Jour 0
Notre bus vers l’inconnu part à 14h. Il nous reste 4h pour finir nos sacs et faire les dernières courses. Nous connaissons maintenant notre itinéraire, synthétisé par ce schéma :
Le circuit du W de Torres del Paine est, comme son nom l’indique, en forme de W. Nous profiterons de cette particularité pour éviter de porter nos sacs à dos dans les « branches » du W. Ça reste quand même un vrai challenge pour nous : marcher en montagne pendant 4 jours, 8 à 9h par jour, la moitié du temps avec nos sacs : on n’est pas certains de revenir…
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Il est 13h, les sacs sont faits ! Nous emportons notre tente, des affaires de rechange et surtout des vêtements chauds pour la nuit. Nos duvets sont en effet prévus pour des températures supérieures à 11°C ;il risque de faire 0°C…Nous allons avoir froid ! Nous n’oublions pas non plus nos manteaux et ponchos, même si la météo devrait être avec nous.
La nourriture a été un vrai casse-tête : comment prendre assez de nourriture pour 4 jours, qui se conserve, et en limitant le poids. Nous achetons pour le soir des pâtes, du riz, des noodles, et de la soupe (pour les légumes !). Les déjeuners seront composés de pain, au début, puis fajitas avec chorizo et/ou fromage. On complète avec quelques fruits, des barres céréalières, des gâteaux et des bonbons !
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Ca y est, nous sommes dans le bus, nous ne pouvons plus reculer. Nous voyons défiler les paysages typiques de Patagonie, presque familiers maintenant mais toujours impressionnants. Nous rencontrons 5 autres français dans le bus : un père et son fils, un voyageur solitaire et un couple faisant également un voyage autour du monde !
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17h15…euh…17h51 avec le retard chilien habituel, nous arrivons à l’embarcadère de Pudeto. Un bateau doit nous emmener à notre premier refuge…Aucune marche prévue ce jour-ci, on se réserve pour demain. Nous profitons de la traversée pour prendre une cinquantaine de photos, il faut dire que le paysage vaut le coup !
Nous sommes un peu surpris du nombre de personnes dans le camping ! Nous trouvons quand même un terrain à peu près plat où nous plantons notre tente.
Direction la cuisine pour le dîner, car on nous a bien répété 10 fois que nous ne pouvions utiliser notre réchaud à gaz que dans des endroits bien précis : plusieurs incendies ont en effet ravagé la forêt depuis quelques années.
On se couche avec le soleil. Le sol est dur, l’air est frais : nous utilisons nos deux couvertures de survie (l’une en dessous et ‘autre au dessus) pour nous isoler du froid. La nuit promet d’être longue…
Jour 1
On est encore vivant, et on a encore tous nos doigts ! Après un petit déjeuner royal (café, pain et nutella, orange), on laisse nos affaires dans la tente direction le glacier Grey. Nous avons, d’après la carte, 3h30 de marche jusqu’à un refuge, puis 30 minutes avant d’atteindre le glacier. Et il faudra ensuite repartir…
Dès les premiers mètres, nous nous apercevons que nous avons perdu un compagnon, resté à l’hôtel. Phil Rooj s’est défilé !
Au bout d’une petite heure, nous arrivons à un premier lac. On nous avait mis en garde contre « l’air con » qu’on aurait à chaque point de vue, mais on tombe dans le panneau dès le premier ! On essaiera d’être moins surpris les prochaines fois.
Nous avançons assez rapidement. Nous sommes même étonnés de doubler tant de personnes, et d’être dépassés par si peu : sommes nous partis trop vite ? Nos précédentes randonnées ont-elles porté leur fruit ? Nous verrons plus tard. Le glacier apparaît au loin…
Trois heures de marche et « déjà » au refuge. Il n’a d’ailleurs de refuge que le nom, c’est plutôt un hôtel de luxe. Pas étonnant que les prix soient si élevés… Une petite quinzaine de minutes plus tard, nous sommes arrivés. Même s’il est moins impressionnant que le Perito Moreno, son coté naturel et préservé nous plaît ! On a en plus l’impression d’être seuls : la zone est suffisamment grande pour que personne ne se gêne.
Deux heures de pause et un déjeuner face au glacier, on en a profité au maximum. On a vu une sirène, un éléphant et un randonneur…sculptés dans la glace des Icebergs !
Mais il est temps de repartir. On sent un peu la fatigue, mais on avance encore rapidement.
On croise le couple de français qui monte. Ils ont en effet privilégié la marche au bateau, et on donc une demi journée de retard (qu’ils rattraperont d’ici ce soir).
Retour au camp de base, pour une douche chaude bien méritée… le challenge consiste à sortir de la salle de bain plus propre qu’en y entrant. Pas si facile vu l’état et la propreté de la douche…
On dîne en compagnie des deux français, et on se rend compte qu’ils sont encore moins équipés que nous : pas de réchaud ni casserole, pas assez de nourriture et pas d’argent chilien ! On « admire » aussi leur flegme, parce que ça n’a pas l’air de les déranger…
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Il est 21h, on rentre dans notre tente. Comme la nuit précédente, on espère dormir un peu. On ne peut pas dire qu’on soit enjoué lorsque l’on se glisse dans nos sacs de couchage, c’est même le pire moment de la journée !
Jour 2
Le réveil sonne à 7h. Même ici, les horaires ne sont pas tout à fait libres : il faut en effet passer un point de contrôle avant midi, sinon, nous ne pouvons théoriquement pas grimper la deuxième branche du W. Lever immédiat…enfin une vingtaine de minutes plus tard. On valide encore une fois le théorème du fainéant : quelque soit la nuit que tu passes, et même si tu es réveillé 15 minutes avant que ton réveil sonne, à partir du moment où tu dois te lever, tu es soudainement très fatigué !
Notre courage est cependant récompensé : la journée s’annonce encore ensoleillée. On se met en route, cette fois avec les sacs sur le dos. Nous avons 2h30 pour atteindre le camp Italiano, où nous laisserons nos affaires avant de pénétrer dans la « Valle del Frances » (vallée du français).
La marche se passe plutôt bien. Ça fait une heure qu’on longe un lac, et l’on devine à l’horizon la vallée que l’on souhaite atteindre.
Notre bouteille d’eau se vidant, nous la remplissons à l’une des nombreuses rivières que nous traversons. On nous a en effet affirmé que cette eau était potable, nous nous sommes jetés à l’eau hier déjà, sans souci pour l’instant !
Nous sommes arrivés à la première étape de la journée. Nous posons nos sacs en équilibre sur un arbre, pour les protéger d’une éventuelle pluie. Impossible de monter la tente, le camp Italiano est en effet fermé pour rénovation. Notre aubergiste nous a cependant donné l’astuce pour y dormir : il suffit d’arriver au camp après 19h pour que les Rangers nous laissent nous y installer… Le camping le plus proche étant en effet à 2h de marche, les responsables du parc n’ont pas tellement d’autre choix.
On commence l’ascension. Le chemin n’est pas vraiment tracé, et nous nous dirigeons un peu à l’aveuglette au milieu des cailloux. Heureusement, des marqueurs oranges nous confirment que nous sommes sur la bonne route.
La marche est vraiment amusante : on traverse les ruisseaux en sautant sur des pierres, on escalade des rochers,… Un peu fatigante aussi quand il faut descendre pour remonter en suivant le terrain vallonné.
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Ca y est, nous sommes arrivés, en 1h au lieu des 2h30 théoriques…Ah non, nous ne sommes qu’au premier point de vue ! Mais vu le panorama, la pause s’impose.
On est reparti depuis 30 minutes maintenant. Perdus dans la forêt, longeant une rivière au débit impressionnant, les jambes lourdes et l’estomac vide (on s’est lancé le défi de ne manger qu’une fois en haut), on espère que le prochain point de vue sera aussi impressionnant que le précédent.
On retrouve le couple de Français juste avant la « montée finale ». On la fera donc ensemble, ça nous donnera un regain d’énergie. On pense enfin à leur demander leur prénom, il serait temps après 2 jours…
Installés « confortablement » sur des pierres, on profite d’une vue exceptionnelle sur la vallée. Même si certaine la trouve un peu décevante, certain l’apprécie vraiment… On partage nos aventures de voyage avec « Adi et Mimi », l’occasion de bien rire de nos pires expériences !
A peine 45 minutes de marche, nous voilà déjà revenu au premier point de vue. La descente va vraiment plus vite que la montée. Il ne nous reste « que » 3h à patienter avant de revenir au camp Italiano. L’occasion d’ajouter quelques clichés aux centaines de photos prises depuis le début du trek. Comment aurait-on fait avec un appareil à pellicule ?
Pourquoi a-t-on été si impatient ? On nous avait bien dit d’arriver après 19h, mais nous avons estimé que 18h30, c’était suffisant.
Le ranger a demandé aux garçons venus récupérer les sacs de continuer leur route. Heureusement, il a changé immédiatement d’avis en voyant les filles, restées en arrière…L’égalité des sexes soit disant…
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Pâtes à moitié cuites ou renversées selon les couples, on passe quand même une très bonne soirée. Puis vient l’heure tant redoutée de se coucher…
Jour 3
La journée qui s’annonce est la plus dure de notre trek : 9 h de marche avec nos sacs !
On reprend la route à deux, Adi et Mimi étant partis plus tôt pour atteindre un refuge encore plus loin.
On pensait que cette journée serait sans grand intérêt, on se trompait. On découvre encore de nouveaux paysages. On atterrit sur une plage, dont la vue n’a rien à envier à celles d’Asie et d’Océanie. Si seulement l’eau n’était pas si froide…
Pour la 457 fois, on dit « Hola » à un groupe de personnes que l’on croise. A première vue, il y a une majorité de Chiliens et autres Sud-Américains (logique), d’Israéliens (qui voyagent beaucoup en Patagonie après leur service militaire) et… de Français (comme partout dans le monde !).
On a pris un raccourci. Le chemin n’existe pas sur la carte, mais un panneau nous l’a indiqué…Nous sommes incapables d’estimer le temps restant, mais nous savons que nous marchons depuis 5h !
Ça monte, ça monte, ça monte. On commence à sentir le poids des sacs…Les montagnes nous paraissent maintenant plus cruelles que belles. Chaque sommet nous fait croire que c’est le dernier, mais une fois arrivés, un autre se dresse devant nous !
On n’arrivera jamais au bout ! Nous venons de croiser un canadien que l’on avait rencontré à Valparaiso, qui nous a donné de faux espoirs. Il a commencé sa phrase par « Vous êtes bientôt arrivés » et l’a finit par « Il ne vous reste plus qu’une heure ». Pour nous venger, on lui a appris qu’il en avait encore pour au moins 3h !
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Ça y est, on est enfin en haut. On a complètement oublié de prendre des photos dans la montée, on se rattrape un peu maintenant. On aperçoit le refuge Chileno au loin…
Laisser tomber son sac à ses pieds pour ne plus le reprendre de la journée, quelle agréable sensation ! Nous plantons la tente sur une plate-forme : le sol sera dur, mais au moins il sera droit.
On prend également une bonne douche chaude, parce qu’on commençait à ne pas sentir très bon…
Malheureusement, on arrive à la fin de nos vivres : ce soir, ce sera donc noodle !
Jour 4
Nous avons fait la grasse matinée. Le programme de la journée ? 2h30 de marche pour atteindre les « 3 Tours », retour au refuge Chileno, puis 2h de descente pour rejoindre notre navette, à 19h. Nous avons donc tout notre temps, et nous comptons ne pas nous presser.
Nous sommes content de replier la tente pour la dernière fois…Même si le trek est vraiment superbe, nous avons hâte de nous reposer à l’auberge, et de dormir au chaud dans un lit.
La première partie se passe bien. Les jambes sont un peu lourdes, mais nous sommes plus que jamais déterminés ! On marche dans la forêt, on traverse des rivières, on monte et on descend au grès du relief…bref, la routine…
Nous sommes à 45 minutes du « Mirador Las Torres ». Mais la partie qui nous attend est également la plus pentue. On s’est équipé de bâtons improvisés pour faciliter notre progression : ça nous aidera peut être, et puis, ça fait bien sur les photos !
Pour la première fois depuis le début du trek, on a mis plus de temps que ce qui est théoriquement prévu…On met ça sur le dos de la fatigue cumulée ces derniers jours. Peu importe, on est en haut et on profite ! On remercie encore Sainte Claire pour le temps qu’on a eu pendant ces 4/5 jours. Sous la pluie, nous aurions certainement moins profité de notre périple…
C’est parti pour la descente : environ 700m de dénivelé jusqu’en bas.
Moins fatiguant pour le cœur et les poumons, mais les genoux prennent le relais, surtout après avoir récupéré nos sacs. On fait plusieurs pauses pour rester un peu plus dans ces paysages magnifiques.
Nous avons vaincu le W ! On est vraiment fier et content. Tout s’est idéalement passé, on a réussi le défi haut la main. Avec un peu de volonté, ce n’était finalement pas si dur. Et le jeu en valait la chandelle : on en a pris plein les yeux !